Le Centre d’Art et de Culture, Anima & Cie, rendent hommage à Shelomo Selinger, l’un des derniers survivants de la Shoah, artiste sculpteur à l’œuvre féconde.
En présence de Shelomo Selinger, au cours d’un après-midi à l’Espace Rachi, témoignages, projections, échanges et musique – accompagné de ses deux petites-filles musiciennes – reviendront sur l’histoire de cet artiste inclassable et son parcours de vie, dont il dit « la nature m’a donné l’oubli pour me reconstruire, l’art a fait la suite ».
Animé par le journaliste Frédéric Haziza
Focus sur les œuvres phare de Shelomo Selinger (sculptures et dessins) par Jean-Patrick Razon, ethnologue
Pause musicale par Aliza Leneman, violoncelliste, 14 ans, petite-fille de Shelomo Selinger, accompagnée au piano
Projection du documentaire Les 7 vies de Shelomo Selinger de Carlos Alvarez (2021) suivie d’un échange entre le public et Shelomo Selinger
Clôture musicale par Lior Leneman, violoniste, 18 ans, petite-fille de Shelomo Selinger.
Shelomo Selinger est né en 1928 en Pologne, au sein d’une famille juive. Déporté en Allemagne avec son père en 1942, Shelomo connaîtra neuf camps successifs et deux marches de la mort, avant d’être trouvé en 1945, à demi-mort, par un médecin juif venu avec l’armée soviétique libérer Térézin en Tchécoslovaquie.
Pris en charge, Shelomo recouvre la santé mais reste amnésique pendant sept ans. Il a perdu ses parents, ainsi que l’une de ses deux sœurs. Cet état amnésique ne sera pas éternel, et, au bout de sept années les souvenirs de déportation reviendront le hanter, par des cauchemars nocturnes.
Après une traversée clandestine de l’Allemagne, la Belgique et la France, Shelomo embarque en 1946 à La Ciotat sur le bateau Tel-Haï pour la Terre promise. Cependant, bateau et passagers illégaux, les marins du Royal Navy montent sur le bateau, le dirigent, arrêtent les passagers et les emprisonnent au camps d’Atlit. Le pays, étant sous mandat britannique, interdisait aux Juifs d’y entrer.
A sa libération, Shelomo rejoint des jeunes au Kibboutz BEIT-ha-ARAVA. Au bord de la Mer Morte. Là, la terre contenait 17% de sel. Pour pouvoir y planter, ils ont lavé la terre avec l’eau du Jourdain. En 1948, Shelomo combat à la guerre de l’indépendance de l’État d’Israël. Beit-ha-Arava détruit par les ennemies, Shelomo participe à la fondation du kibboutz Kabri en Galilée. Il y rencontre Ruth Shapirovsky, qu’il épousera en 1954.
La rencontre avec Ruthy, sa femme, et le début de sa sculpture qui en coïncidait, l’aidaient à canaliser ses angoisses, revenues au retour de sa mémoire des années aux camps nazis. La sculpture et le dessin lui redonnent son équilibre et un cadre pour ses expressions et créations artistiques.
Fin 1955, Il recevra en Israël le Prix Norman pour les jeunes sculpteurs, et arrive en 1956 à Paris avec sa femme pour apprendre la sculpture. Il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts, pour suivre les cours du sculpteur Marcel Gimond . Il apprendra le modelage traditionnel de la terre glaise. Parallèlement, il continue ses créations personnelles à la taille directe du matériau (granit, grès rose des Vosges et bois). En 1962 Il rencontre le galeriste Michel Dauberville qui, depuis, l’expose régulièrement.
Son œuvre sculptée comprend à ce jour environ 900 créations de tous formats et matériaux, et son œuvre graphique, à l’encre de Chine et au fusain, se chiffre par milliers.
Plusieurs de ses œuvres témoignent de la Shoah, mais la majorité de ses créations est un hymne à la vie.
La majorité de ses créations est un hymne à la vie.
Œuvres mémorielles sur la Shoah
En 1973 il reçoit le 1er Prix du Concours international lancé pour un monument au camp de Drancy.
En 1976, Shelomo réalise le Mémorial du Camp de Drancy. Créer ce monument lui apportait la réponse à la question qui n’arrêtait pas de le tourmenter, dont « Pourquoi lui, était-il resté en vie, quand, dans les camps, autour de lui, tous mourraient. ». Sa mission devrait être celle d’un gardien de la Mémoire. En sculptant des mémoriaux de la Shoah pour ne pas laisser oublier. Aussi, en tant que témoin de la Shoah, Il intervient devant des élèves des collèges, lycées, universités, et autres.
1980 « Requiem pour les juifs d’Allemagne ». Bosen. Saarland. Allemagne.
1987 « Monument aux Justes des nations », Yad Vashem, Jérusalem, Israël
1987 Mémorial à la Résistance, La Courneuve, Seine-Saint-Denis, France
2006 Mémorial de la Déportation, Tremblay-en-France, France
2018 « Kaddish », Mémorial aux Juifs déportés de Luxembourg, Grand-Duché́ du Luxembourg.
2022 « Rachel pleurant ses enfants », Kibboutz Lohamei Hagetaot, Israël
Prix et mentions honorifiques :
1956 – Prix Norman pour jeunes sculpteurs en Israël, de la Fondation America-Israël
1958 – Prix Neumann de la Fondation Suisse
1973 – Premier prix au concours international pour la réalisation du Mémorial du camp de Drancy.
1983 – Médaille d’argent de la ville de Paris.
1985 – Grand prix du Salon d’Automne, Grand Palais (Paris)
1986 – Chevalier des Arts et des Lettres
1989 – Médaille de Vermeil de la Ville de Paris
Prix « Mémoire de la Shoah », Fondation Buchman, Fondation du judaïsme français
1993 – Chevalier de la Légion d’Honneur
1994 – Prix de la paix et de la prospérité de la République de Chine
1994 – Officier des Arts et des Lettres
2005 – Officier de la Légion d’Honneur